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25 juin 2011 6 25 /06 /juin /2011 15:48

Le jeu de football se pratique sur deux terrains différents, en vidéo et par terre. Observons, et voyons quelles conséquences en tirer sur la nature de ces deux terrains, en particulier le vidéo, le terrain vidéo.

Avec les mêmes règles du jeu, la partie est pourtant différente :

pourquoi ?

Premier point, sur Terre, l'accès est collectif. Les gens sont réunis dans les gradins, au coude à coude. Au contraire dans l'Etherciel l'accès est individuel (console, ordinateur...). Chacun dans son coin.

Ensuite, les rôles sont répartis de manière claire et tranchée : joueurs d'un côté, spectateurs de l'autre. A chacun son infrastructure, l'espace est divisé, la pelouse pour les uns, les tribunes pour les autres. La frustration des spectateurs est d'ailleurs immense, à ce qu'ils prétendent, en réalité chacun a bien conscience d'appartenir à une catégorie bien marquée. Impossible d'être partout à la fois. Rien à voir avec l'Etherciel où, même en mode télévision – vous aussi, vous aussi vous pouvez... – tout le monde est soumis au même traitement, embarqué dans la même infrastructure. Sur terre, la partie se joue dans l’espace, grâce à un terrain de dimension confortable, comportant des limites et des points de repère (surface de réparation, rond central, etc.), à l’intérieur duquel les joueurs et le ballon se déplacent. Dans le nouveau monde, l’action se passe sur un même point, le point focal vers lequel tout converge à chaque instant. On a l’impression que le terrain se déplace autour du ballon.

Troisième point, pendant le match, les règles du jeu ne sont pas une contrainte naturelle, mais volontaire. L'adhésion à ces règles est recherchée, pas spontanée. L'action et les règles sont deux choses différentes. Parfois (souvent), il y a de la triche. L'Etherciel quant à lui ne propose que deux possibilités : suivre les règles ou s'en aller. Premier bilan intermédiaire : les joueurs et les spectateurs d'un match sont réunis pour un moment de liberté et d'effort individuels, les mêmes dans l'Etherciel se retrouvent isolés dans une aventure agglomérée.

Quatrième point : d'un point de vue strictement matériel un match est un jeu d'obstacles imprévus sinon imprévisibles entre des corps et des matières solides et même parfois rigides (poteaux). La terre est omniprésente, les joueurs glissent, raclent, s'étalent, la font jaillir, c'est une fête ! La fête de la terre ! Il n'y a pas de propulseur, l'homme se propulse lui-même, avec ses propres moyens. Le foot nous rappelle notre condition d'animal terrestre, pas si différent que cela des autres mammifères. On admire les mouvements et ceux-ci découpent l'air sans laisser de trace jusqu'au point d'impact. Tout se fait par le biais de contacts (notamment contact des pieds avec le ballon). La rencontre se joue sur des points de rencontre. Affrontement solide. Il n'y a pas deux matchs identiques, chaque joueur fait l'expérience de ses limites, et les surprises sont au rendez-vous.

A l'opposé rien n'a véritablement de support en propre dans l'Etherciel. Combat fluide. La pulsion est permanente, les gestes inutiles – seul le résultat compte - et de plus tout peut s'y répéter une infinité de fois, car l'élément garde tout en mémoire. Les limites testées sont les limites du système. Les contacts sont absents.

Le contraire de "en ligne" : par terre.

Entre une représentation au théâtre et une émission de télévision, une conversation à l’air libre et une discussion au téléphone, des livres de compte tenus à la plume d’oie et une comptabilité informatisée, une bataille de cour de récréation et des jeux en réseau, l’achat d’une boite de sardines au supermarché et le même achat mais en ligne, une négociation commerciale pendant un déjeuner au restaurant et un processus d’achat sur une plateforme "bitoubi", la lecture d’un article de journal dans un wagon de métro et la lecture du même article sur le Web, les mêmes éléments de comparaison se retrouvent à l’identique. Deux mondes. Nous avons désormais deux mondes en face de nous. La Terre n'est plus notre seul lieu de vie. Nous avons, en sus, une seconde vie ("Second Life"), derrière l'écran. Le football doit son succès au fait qu'il représente le modèle réduit, la synthèse de notre monde naturel.

Une fois le match terminé les joueurs vont prendre une douche, les spectateurs rentrent chez eux. Le stade quant à lui reste là, le terrain, les gradins, les détritus, une loi de conservation physique implacable s'applique sur toutes les choses. Le lieu demeure, même une fois que les acteurs l'ont quitté. Dans l'Etherciel les joueurs sont toujours là, manette en main, et tout le reste a disparu.

 

Emmanuel Cauvin

modifié le 26 juin 2011

 




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